B. MATTIOLO : Témoignage sur la continuité pédagogique

Bruno MATTIOLO est professeur de mathématiques au collège Albert Camus d’Eysines. Il assume également les missions de Référent pour les Usages Pédagogiques du Numérique (RUPN) dans son établissement et de formateur académique.

Ce témoignage a été rédigé le 31 mars 2020, le dispositif mis en place a pu évoluer depuis. Ces pratiques ne constituent pas un modèle à reproduire, simplement un exemple qui pourra inspirer des collègues confrontés à des situations semblables.

Le dispositif mis en œuvre dans mon établissement

J’exerce dans un établissement qui est l’image même de la mixité sociale sociale : milieu défavorisé pour 30% des élèves, des CSP+ sous-représentés et une grande majorité de classes moyennes.

En tant que RUPN dans mon collège, j’ai consacré le premier weekend et les deux premiers jours de confinement à régler des difficultés techniques de toutes sortes (autant pour des collègues que pour des familles) et à la réalisation de tutoriels.

J’avais déjà commencé en classe un nouveau chapitre dans chaque niveau et pu introduire de nouvelles notions en présence des élèves. Dès le vendredi 13 mars, dans l’urgence, suite à l’annonce de la fermeture des établissements, mon premier réflexe a été d’éditer, au format PDF, les chapitres en question sur Pronote.

Dès le lundi suivant, des difficultés se sont présentées :

  • Certaines familles se sont imaginées qu’il fallait tout faire en deux jours!
  • Les élèves (notamment en 6e) avaient du mal à repérer les exercices et les leçons dans mes PDF.
  • De manière générale, des familles ont exprimé des difficultés à récupérer les informations importantes car disséminées sur Pronote.
  • La limitation en taille de fichier de l’application Pronote empêchait de récupérer les travaux des élèves (notamment les photos).

Les différentes solutions pour pallier rapidement aux difficultés mentionnées plus haut furent les suivantes :

A l’échelle de l’établissement, une uniformisation de nos pratiques fut décidée : le travail donné aux élèves notifiés sur le cahier de texte de Pronote d’une part et d’autre part, fil de discussion sur ce même outil, pour permettre des échanges entre élèves et enseignants.

Concernant le problème d’envoi du travail par les élèves, le collège n’ayant pas fourni aux élèves d’identifiants télé-services, les outils académiques tels qu’Ilias étaient inutilisables, j’ai proposé d’utiliser “la demande de fichiers Dropbox” qui permet très simplement (y compris par téléphone) de déposer des documents sur le cloud d’un enseignant sans nécessiter d’identification par email. Un simple lien à fournir aux élèves suffit. De nombreux collègues s’y sont mis dès les premiers jours.

Mais en fin de semaine, Pronote a annoncé avoir augmenté la taille maximale d’envoi de fichiers à 4 Mo, rendant évitable l’utilisation d’outils extérieurs ! Finalement, certains collègues sont tout de même restés sur Dropbox, d’autres ont préféré les envois par mails ou par Quizinière (il permet d’envoyer des photos mais attention il a tendance « rogner » en haut et en bas).

La construction progressive de mon enseignement à distance en mathématiques

En ce qui concerne ma pratique personnelle, je me suis mis à « découper » les PDF pour que les élèves s’y repèrent davantage. J’ai ensuite réparti le travail sur les différentes séances du cahier de texte. Mais cette solution n’a pas convenu à certaines familles qui trouvaient trop contraignant de suivre un rythme quotidien.

A partir du mercredi, déjà engagé dans la production de tutoriels sur Youtube,  j’ai décidé de mettre en ligne les corrigés des exercices en vidéo (j’ai d’ailleurs utilisé les premiers retours photos des élèves comme base pour ces vidéos). C’est un travail fastidieux et long (en moyenne 30 min par exercice), mais les retours très positifs des élèves m’ont incité à continuer.

Après cette moyenne de 12h de travail par jour (dont une part, il est vrai, pour le travail de mes propres filles), j’ai décidé de lever le pied pendant le weekend.

Construction de pages web

Face aux problèmes d’organisation des élèves et à la nécessité d’introduire de nouvelles notions, pendant le week-end, je décidais de mettre les documents davantage en cohérence et de structurer le cours en les présentant sur une page web (enrichie de QCM, de vidéos et d’exercices Learning Apps – dont certains construits de toutes pièces).

  • Lundi : Construction de la page web pour les 5es et de ses contenus : environ 10h de travail. Le lien est fourni dans cahier de texte. Le travail est à faire pour le lundi suivant.
  • Mardi : Idem pour les 6es (environ 10h aussi).
  • Mercredi – jeudi : J’ai continué à réaliser les vidéos tout en répondant aux élèves via discussion écrite sur Pronote.
  • Il a aussi fallu effectuer les corrections nécessaires sur les pages web et certaines vidéos car, vu le rythme, il y avait quelques erreurs ou soucis non anticipés.
  • En tant que professeur principal, suite à demande de la direction, j’ai également dû relancer des familles qui ne se connectaient pas.

Bilan le jeudi soir :

  • peu de retours (exemple : sur une soixantaine d’élèves de 6e, seuls une douzaine – tous de bons élèves – m’avaient renvoyé leurs constructions).
  • en 5e davantage de retours mais au final beaucoup moins que la première semaine.

Expérimentation de classes virtuelles

Me disant que les élèves étaient peut-être bloqués sur ces notions nouvelles, je décidais de lancer une séance « Classe Virtuelle » pour reprendre de vive voix ce qui a été mal compris.

La première classe virtuelle a été faite avec les 5es le vendredi de 11h à 12h avec l’outil du CNED : dix demandes donc dix élèves retenus. Le lien de connexion a été envoyé par discussion privée sur Pronote. Sur ces dix élèves, six excellents élèves et deux en difficulté. Tous étaient contents mais la plupart auraient clairement pu se débrouiller sans moi.

L’outil est effectivement très pratique : j’ai pu faire défiler mes documents en les commentant – et même faire une illustration animée en direct sur Geogebra. J’ai également trouvé facile d’interroger comme en classe! Les deux élèves en difficulté (tous les deux très timides et en retrait) ont davantage osé intervenir que d’habitude. J’ai adoré !

La deuxième séance de 5e a eu lieu ce matin (lundi 30) : davantage d’élèves en difficulté présents et autant de satisfaction de part et d’autre. Vivement les deux séances de demain avec les 6es !

Bilan des deux premières semaines et perspectives

Si je dois tirer un bilan de ces deux premières semaines :

  • Trop peu d’élèves rendent encore le travail (pourtant la plupart se connectent). Mes collègues des autres matières ont les mêmes soucis.
  • Les corrigés et les points de cours en vidéo sont chronophages mais très appréciés des élèves (car ils permettent davantage d’interactions qu’un support statique).
  • La classe virtuelle en petit groupe pour revenir sur les points mal compris fonctionne bien… mais là aussi trop peu d’élèves en font la demande.

Je compte donc garder ce fonctionnement mais je cherche un moyen de cadrer davantage l’activité des élèves… peut-être en instaurant davantage de points de contrôle du travail ainsi qu’une routine au niveau des « Classes virtuelles ».

Pour en savoir plus

Classe virtuelle ouverte

Dans le cadre du dispositif Classe virtuelle ouverte, vous pouvez assister à une séance en classe virtuelle de Bruno MATTIOLO avec ses élèves.

Si vous êtes intéressés, après avoir pris connaissance du fonctionnement du dispositif, vous pouvez lui écrire à l’adresse Bruno.Mattiolo@ac-bordeaux.fr.

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