Nicolas Lince est enseignant de mathématiques au lycée de Borda à Dax (40).
Ce témoignage a été rédigé le 11 mai 2020, le dispositif mis en place a pu évoluer depuis et pourra continuer à évoluer en fonction de la régulation des pratiques propres à l’enseignant ou de celles partagées avec l’équipe pédagogique de l’établissement d’exercice.
Cet exemple ne constitue pas un modèle à reproduire, mais il pourra inspirer des collègues confrontés à des situations semblables.
Le choix des outils numériques
Au début du confinement, j’ai mis en place pour mes élèves de 2de, TaleS et BTS :
- Un plan de travail hebdomadaire envoyé par courriel
- Une à deux séances hebdomadaires d’une heure de classe virtuelle (avec l’outil de Lycée Connecté ou du CNED)
- Le corrigé des exercices envoyé par courriel
La préparation était très lourde car il fallait tout taper ou scanner en avance, et l’interaction visuelle en direct était réduite. Avant le confinement, je ne voyais pas l’utilité d’une webcam, d’une palette graphique ni d’un stylo sans fil. Je ne possède pas ce type d’équipent mais, compte tenu des prix raisonnables, je n’exclus pas d’investir dans de tels dispositifs qui permettent d’avoir un écrit rapide, de qualité et léger en terme de débit internet.
Utilisation de mon smartphone comme micro et webcam
Souhaitant tout de même pouvoir filmer « mes mains » pour pouvoir allier le geste à la parole, je me suis tourné vers le logiciel DROIDCAM qui permet d’utiliser un smartphone comme webcam avec des fonctionnalités très intéressantes.
Voici quelques détails techniques de l’utilisation de cet outil :
- Fixer le téléphone sur un support (un bout de bois) au-dessus de la feuille où l’on souhaite écrire à 20cm au minimum (cf points suivants pour comprendre l’importance de la hauteur du smartphone par rapport à la feuille). Partager une feuille de format A5 est un bon compromis. En écrivant un peu gros, cela reste acceptable sur un écran de smartphone (seul équipement disponible souvent pour mes 2des).
- Installer Droidcam sur le smartphone et sur l’ordinateur. Faire communiquer les 2 outils.
- Vous pouvez alors utiliser votre smartphone comme webcam (configurez la video dans les options des classes virtuelles pour choisir le smartphone comme webcam). Sous Windows et avec Droidcam, l’image peut être en mode « miroir » comme une webcam et donc non lisible par les élèves. DroidcamX permet de remettre l’image dans le sens de lecture normal et permet également d’avoir un zoom.
- Une autre possibilité sans l’achat de DroidcamX est de faire afficher l’image du téléphone dans une autre fenêtre en utilisant un logiciel du type Webcamoid ou Yawcam (qui permettent de remettre l’image à l’endroit) et de partager la fenêtre de cette application.
L’installation peut-être très simple ou plus technique suivant votre téléphone, votre système d’exploitation ainsi que la liaison choisie (wifi ou usb). Vous trouverez de la documentation facilement sur internet, il faut persévérer.
Par défaut Droidcam transmet une image de taille 640×480, ce qui est suffisamment petit pour rester fluide même avec des connexions lentes (fréquentes dans la campagne landaise). Cela permet de montrer une feuille de format A5 en lecture à l’écran, mais également un écran de calculatrice de façon très distincte, grâce à la fonction zoom (DroidcamX uniquement ou installation de Droidcam sous linux).
Outils pour la numérisation de documents
Pour scanner des copies d’élèves ou des cours à envoyer en direct (pour ceux qui ont des mauvaises connexions), j’utilise un scanner. Pour ceux qui n’en disposent pas, l’application CamScanner permet cependant d’obtenir des fichiers légers et de qualité avec un smartphone en « redressant » les défauts de parallaxe. Je demande à mes élèves d’utiliser cette application pour m’envoyer leurs exercices ou copies.
Pour les corrections, j’utilise le logiciel Xournal++ qui permet de corriger et d’annoter un document PDF à la manière de Viatique ou Santorin (utilisés pour les corrections d’examens de BTS ou d’E3C). Je me sers également de ce logiciel pour commenter les cours polycopiés en direct pendant les classes virtuelles sans avoir à les imprimer.
Fonctionnement de mes classes virtuelles
Après un début de cours à distance basé sur des écrits lourds en préparation, qui demandent un gros investissement d’appropriation et d’organisation de la part des élèves, l’utilisation de la video m’a permis d’augmenter les temps de classe virtuelle pour arriver quasiment à l’horaire de cours de chaque niveau (6h pour les TaleS et 3h pour les 2de), sur des créneaux proches de leur emploi du temps. Cela était possible car le temps quotidien (toutes disciplines confondues) de classe virtuelle de mes élèves est resté raisonnable.
Mes séances en visio ont un déroulement assez similaire à ce qui pourrait se faire en présentiel. Je « zappe », via un partage de fenêtre sur mon ordinateur, entre cours polycopié (présenté, lu et commenté), feuille de papier en direct pour démonstrations ou correction ou réponses aux questions, calculatrices filmés et logiciel Geogebra.
L’interaction est un peu limitée par les élèves qui « suivent » le cours sur ordinateur mais n’ont pas de micro. Beaucoup de mes élèves de 2de accèdent au cours sur smartphone (seul équipement disponible) et suivent sans problèmes son et image.
Pour limiter l’absentéisme (qui tend hélas à augmenter en 2de ces deux dernières semaines), je fais d’ailleurs systématiquement l’appel et demande des nouvelles des absents. Les élèves ont pris l’habitude de s’excuser par mail ou de me donner de leurs nouvelles en appelant le lycée s’ils ont des problèmes de connexion, de santé ou autres.
Le travail en classe virtuelle est, selon les cas, du cours (reprise d’un polycopié, démonstrations, développement d’exemples…), des exercices préparés ou donnés en direct (partage de l’exercice par application en classe virtuelle ou dans le livre de la classe). L’interaction que permettent conjointement l’oral et le support visuel apporte une dynamique et une motivation à la fois aux élèves mais aussi à l’enseignant, qui n’a pas l’impression de parler « dans le vide ».
J’envoie en fin de séance un compte-rendu par mail (scans des feuilles que j’écris organisés et complétés par des polycopiés de cours ou d’exercices) pour m’assurer que ceux qui n’ont pu assister aux classes virtuelles (qui restent relativement peu nombreux) ne sont pas trop pénalisés.
Je donne le travail à faire d’une séance à l’autre avec des travaux à me rendre tous les 15 jours pour les plus motivés (peu de copies reçues malheureusement, 20 % à peine des élèves en moyenne). J’alterne les situations pour ne pas lasser les élèves (ni le prof). Le travail à faire peut être composé d’exercices à chercher et de cours à travailler.
La place de l’oral : une vraie plus value
La communication orale s’est naturellement imposée au vu des difficultés initiales à diffuser un flux vidéo stable. Lors des séances d’exercices en direct, les élèves ont pris l’habitude de verbaliser leur recherche ou leurs difficultés presque davantage qu’en présentiel. Ne pas avoir le regard des autres a permis à quelques-uns de se révéler et de participer plus activement qu’en présentiel.
L’échange visuel en direct restait au départ assez figé ou lent. Taper en direct ou essayer d’écrire avec une souris n’étaient pas des moyens satisfaisants d’interagir avec les élèves. Le dispositif présenté ci-dessus a augmenté l’interaction avec et entre les élèves puisque j’agis en direct en fonction des réponses ou questions des élèves. Cela a également permis d’augmenter leur précision à l’oral puisque lorsqu’ils répondent à une question, ils me « dictent » la réponse et donc sont obligés de verbaliser correctement schémas, calculs, raisonnements.
Certains élèves essaient d’installer des dispositifs similaires au mien afin de pouvoir partager des documents en direct. Ceci n’est malheureusement pas encore possible en mathématiques à l’instant où j’écris ce témoignage.
Le tableau partagé (application classe virtuelle CNED) est assez délicat à utiliser en mathématiques à cause des schémas et des notations spécifiques mais il permet aux élèves de participer en argumentant leurs réponses. Il serait parfait comme utilisation avec une palette graphique ou un stylo sans fil.
En guise de bilan
Après deux semaines de cours uniquement à l’oral en classe virtuelle avec partage de documents déjà préparés ou « tapés » en direct, les élèves ont accueilli le support visuel interactif avec un plaisir non dissimulé et cela a remotivé beaucoup d’entre-eux.
L’augmentation du temps de classe virtuelle a rythmé les journées des élèves et les a poussés à ne pas trop décaler leur rythme veille/sommeil pendant le confinement. Nous avons très vite fait attention à bien doser entre enseignants les temps de classe virtuelle et le travail personnel demandé pour ne pas surcharger l’emploi du temps des élèves (et la charge de travail des enseignants) et leur laisser suffisamment de temps de « respiration » car certains ont eu des situations de confinement très pénibles.
Je sais néanmoins que certains se connectent en classe virtuelle et puis vaquent à leurs occupations (je l’ai testé avec quelques sondages réalisés en direct ou quelques questions posées à tous) mais je ne pense pas que ce soit si différent de ce qui peut arriver en présentiel.
Classe virtuelle ouverte
Dans le cadre du dispositif Classe virtuelle ouverte, vous pouvez assister à une séance en classe virtuelle de Nicolas LINCE avec ses élèves.
Si vous êtes intéressés, après avoir pris connaissance du fonctionnement du dispositif, vous pouvez lui écrire à l’adresse Nicolas.Lince@ac-bordeaux.fr.