Présentation des juridictions internationales
Il existe des juridictions internationales auxquelles les Etats acceptent de se soumettre pour le règlement de leurs différends. Au vu de l’atteinte à la souveraineté qu’elles impliquent, ces juridictions ont le plus souvent été imposées pour un objet limité. Il en existe toutefois quelques unes qui, profitant pleinement de la juridictionnalisation des relations internationales, se voient dotées d’une mission plus ambitieuse et donc très remarquable.
LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
En 1922, la signature du pacte de la Société des Nations avait été suivie de la création de la Cour permanente de justice internationale. La fondation de l’Organisation des Nations Unies a conduit à la mise en place de la Cour internationale de justice qui siège au Palais de la Paix à La Haye (Pays-Bas).
Cette juridiction est composée de quinze juges inamovibles et bénéficiant de l’immunité diplomatique, élus par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité de l’ONU pour un mandat de neuf ans renouvelable de telle sorte, en principe, que le choix ainsi opéré tende à assurer la représentation des grand systèmes juridiques. De plus, tout Etat mis en cause devant la Cour et qui ne compte pas l’un de ses nationaux parmi les juges peut désigner un juge ad hoc. La Cour est actuellement présidée par le japonais Hisashi Owada.
La Cour exerce d’abord des attributions consultatives donnant lieu à des avis soit à la demande de tous les organes ou institutions de l’ONU autorisés par l’Assemblée sur toute question d’ordre juridique, soit pour apprécier les décisions rendus par les deux juridictions internationales connaissant le contentieux de la fonction publique internationale.
La Cour exerce ensuite des attributions contentieuses donnant lieu à des arrêts destinés à régler des différends entre Etats. La compétence de la Cour doit avoir été acceptée par les Etats mis en cause, soit (clause de juridiction obligatoire signée antérieurement à tout litige ou compromis spécial destiné au règlement d’un différend particulier).
Le Conseil de sécurité de l’ONU est garant de l’exécution des décisions rendues par la Cour.
Pour en savoir plus : http://www.icj-cij.org/homepage/index.php?lang=fr
LA COUR PENALE INTERNATIONALE
Après la réitération des plus terribles crimes contre l’humanité, la conscience universelle commandait de créer des juridictions propres à juger les auteurs de pareilles atrocités. Les premières illustrations de la justice répressive internationale fut l’œuvre des vainqueurs du second conflit mondial : à la suite des accords de Londres du 8 août 1945 fut mis en place le Tribunal de Nuremberg qui tint audience du 20 novembre 1945 au 1 er octobre 1946 pour juger 24 dirigeants nazis ainsi que 6 groupements tandis que le Tribunal de Tokyo eut à juger 28 accusés entre 1946 et 1948. Il fallut attendre de nouveaux génocides pour que soient instituées deux nouvelles juridictions spéciales : le Tribunal pénal international de La Haye créé par la résolution 827 du Conseil de sécurité le 23 mai 1993 pour juger les auteurs de certains crimes commis depuis le 1er janvier 1991 sur le territoire de l’ex-Yougoslavie et le Tribunal pénal international d’Arusha créé par la résolution 955 du 8 novembre 1994 pour juger les actes de génocide commis au Rwanda.
Le succès de ces dernières juridictions a poussé la communauté internationale à poursuivre la mise en place d’une juridiction pénale internationale permanente. Au terme de difficiles négociations, le Traité institutif d’une Cour pénale internationale a été adopté le 17 juillet 1998 au terme de la conférence réunie à Rome sous l’égide des Nations Unies. Ce traité est entré en vigueur le 1er juillet 2002 après qu’il ait été ratifié par 60 Etats.
La ratification de la France nécessitait une révision préalable de la Constitution, ce qui a été fait par la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 qui a permis au Parlement d’autoriser la ratification par la loi du 30 mars 2000. La loi du 26 février 2002 a par ailleurs complété le Code de procédure pénale au sujet de la coopération entre les autorités nationales et la Cour et de l’exécution en France des condamnations qu’elle prononcera.
La Cour pénale internationale a été installée le 11 mars 2003 à La Haye (Pays-Bas). Elle est composée de 18 juges, élus pour neuf ans, renouvelables par tiers tous les trois ans. Elle est actuellement présidée par le canadien Philippe Kirsch tandis que le parquet est sous la direction de l’argentin Luis Moreno Ocampo. Les juges sont répartis en trois sections : la section préliminaire compte sept juges et est amenée, en chambre à trois juges ou éventuellement à juge unique, à prendre les décisions au cours de l’enquête et à confirmer les charges pour permettre la continuation du procès ; la section de première instance compte six juges et est compétente, en formation de trois juges, pour statuer sur les dossiers qui lui sont ainsi transmis ; la section d’appel comporte cinq juges et constitue la chambre d’appel.
La Cour connaît des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et des crimes d’agression. La compétence de la Cour est toutefois complémentaire de celle des juridictions nationales de sorte qu’il y a lieu de ne lui réserver que les cas les plus graves.
Pour en savoir plus : http://www.icc-cpi.int/Menus/ICC/Home
LA COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L’HOMME
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui siège à Strasbourg, est chargée de veiller au respect de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et d’attribuer une réparation appropriée aux victimes d’éventuelles violations.
Cette convention a été signée dans le cadre du Conseil de l’Europe le 4 novembre 1950 et est entrée en vigueur en 1953, la France ne l’ayant toutefois ratifiée qu’en 1974.
Cette convention est d’application directe devant les juridictions des Etats signataires, de sorte qu’il est maintenant courant que le juge national qu’il appartienne à une juridiction civile, répressive ou administrative, vise l’un de ses articles pour motiver la sanction des droits qu’elle proclame. La convention a toutefois elle-même prévue le cas d’une carence des juridictions nationales et mis en place un mécanisme de sanction propre dont la Cour constitue la pièce maîtresse.
La Cour compte autant de juges que de pays signataires. Elus pour six ans par l’assemblée consultative du Conseil de l’Europe, ils sont rééligibles, leur renouvellement s’effectuant par moitié tous les trois ans. Les juges élisent leur président qui est actuellement le français Jean-Paul Costa.
La Cour comporte cinq sections dans chacune desquelles fonctionne un comité de trois juges qui joue le rôle de filtrage des recours individuels et une chambre à sept juges. Une Grande Chambre de dix-sept juges est également instituée comprenant notamment le président, les vice-présidents et présidents de section.
La Cour est compétente pour connaître de toute violation de la Convention elle-même ou des protocoles additionnels qui sont venus en enrichir les dispositions. Le demandeur peut être un Etat ou, plus fréquemment, un individu qui a formé une requête individuelle soumise au comité chargé de l’examen préalable des recours. Le défendeur est nécessairement un Etat, tous les membres du Conseil de l’Europe ayant accepté la juridiction obligatoire de la Cour.
Les recours individuels non écartés par le comité et tous les recours interétatiques sont portés devant une chambre à sept juges qui se prononce sur la recevabilité des recours transmis. Si la requête est retenue, la chambre doit se mettre à la disposition des parties en vue de parvenir à un règlement amiable, à défaut de quoi elle statuera sous réserve de renvoi à la Grande Chambre.
Les arrêts de la Cour peuvent accorder au particulier victime d’une violation de la Convention une « satisfaction équitable » sous la forme d’une indemnité mise à la charge de l’Etat défendeur lequel doit par ailleurs prendre les mesures de nature à effacer ou à limiter les conséquences des situations dénoncées pour la partie lésée. Pour éviter de nouvelles procédures et de nouvelles condamnations, il arrive ainsi qu’un Etat modifie sa législation ou qu’un juge suprême national modifie sa jurisprudence afin de mettre le droit national en conformité avec la Convention.
La Grande Chambre joue un double rôle : elle peut en premier lieu être saisie par l’effet du renvoi prononcé par la chambre saisie d’une requête qu’elle s’est abstenue de trancher ; elle peut en second lieu être saisie par une partie dans les trois mois du prononcé de la décision de la chambre, constituant ainsi une chambre d’appel, sous réserve du filtrage d’un collège de cinq juges et dans les seuls cas où « l’affaire soulève une question grave relative à l’interprétation ou à l’application de la Convention ou de ses protocoles ou encore une question grave de caractère général ».
Pour en savoir plus : http://www.echr.coe.int/echr/Homepage_FR
LA COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Les Communautés européennes – Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA : Traité de Paris du 18 avril 1951), Communauté économique européenne (CEE) et Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom) : Traités de Rome du 25 mars 1957 –, désormais regroupées en Union européenne, ont mis en place un système juridique original constitué non seulement de conventions entre les Etats mais aussi de textes pris par les organes de ces institutions. Ce droit dit communautaire est particulièrement remarquable parce qu’uniforme, d’application directe devant les juridictions internationales et de valeur supérieure au droit national.
Depuis sa création en 1952, la Cour de justice de l’Union européenne a pour mission d’assurer « le respect du droit dans l’interprétation et l’application » des traités communautaires.
Dans le cadre de cette mission, la Cour de justice de l’Union européenne :
– contrôle la légalité des actes des institutions de l’Union européenne,
– veille au respect par les Etats membres des obligations qui découlent des traités,
– interprète le droit de l’Union à la demande des juges nationaux.
Elle constitue ainsi l’autorité judiciaire de l’Union européenne et veille, en collaboration avec les juridictions des Etats membres, à l’application et à l’interprétation uniforme du droit communautaire lequel est particulièrement remarquable parce que d’application directe devant les juridictions nationales et d’autorité supérieure au droit national.
La Cour de justice de l’Union européenne, dont le siège est établi à Luxembourg, comprend trois juridictions : la Cour de justice, le Tribunal de première instance (créé en 1988) et le Tribunal de la fonction publique (créé en 2004). Depuis l’origine, environ 15 000 arrêts ont été rendus par ces trois juridictions.
La Cour de justice est composée de vingt-sept juges et de huit avocats généraux, désignés d’un commun accord par les gouvernements des Etats membres et assistés de référendaires. Leur mandat est de six ans avec un renouvellement par moitié tous les trois ans. Le président est actuellement le grec Vassilios Skouris.
La Cour de justice peut siéger en plusieurs formations : en Assemblée plénière, avec un quorum de quinze juges, en Grande Chambre de treize juges avec un quorum de neuf, ou en chambre de trois ou cinq juges avec un quorum de trois, neuf chambres pouvant ainsi siéger simultanément. Peuvent être parties, tant en demande qu’en défense, non seulement les Etats membres soumis à la juridiction de la Cour par l’effet de la ratification des traités communautaires, mais aussi les communautés elles-mêmes ainsi que les particuliers qui peuvent se porter demandeurs ou intervenir à l’instance.
Outre des attributions consultatives, la Cour exerce des attributions contentieuses. Elle connaît d’abord des recours formé par la Commission européenne contre un Etat qui, invité par celle-ci à mettre fin à la violation de ses obligations au regard du droit communautaire, ne s’est pas conformé à cet avis dans le délai imparti, l’injonction de la Commission pouvant d’ailleurs faire suite à une plainte adressée par un particulier ou par un autre Etat membre (recours en manquement). La Cour connaît aussi des recours dirigés contre les institutions communautaires auxquelles il est reproché soit d’avoir pris un acte illégal (recours en annulation), soit de s’être illégalement abstenues de prendre un acte ou une décision (recours en carence). De même, la Cour connaît des actions en responsabilité dirigées contre l’Union pour les dommages causés par ses institutions et par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions (recours en indemnité). Enfin, la Cour est compétente pour statuer à titre préjudiciel sur l’interprétation du Traité et celle des statuts des organismes créés par un acte du Conseil ou sur la validité ou l’interprétation des actes pris par les institutions communautaires (recours préjudiciel) : ces recours en interprétation constituent un levier majeur de modification des droits nationaux.
En dernier lieu, la Cour connaît en tant que chambre d’appel des pourvois formés contre les décisions du Tribunal de première instance. Celui-ci a été crée sur le modèle de la Cour afin de répondre à l’accroissement des recours et remédier à l’engorgement qui en résultait. Il connaît ainsi des mêmes recours dans certaines matières définies limitativement par les textes communautaires.
Selon le même mouvement, existe également un Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne ayant compétence pour traiter le contentieux opposant les communautés à leurs agents.
Chaque Etat membre ayant sa langue propre et son système juridique spécifique, la Cour de justice de l’Union européenne est une institution multilingue. Son régime linguistique n’a d’équivalent dans aucune autre juridiction au monde, puisque chacune des langues officielles de l’Union peut être langue de procédure. La Cour est en effet tenue au respect d’un multilinguisme intégral en raison de la nécessité de communiquer avec les parties dans la langue du procès et d’assurer la diffusion de sa jurisprudence dans l’ensemble des Etats membres.
Pour en savoir plus : http://curia.europa.eu/jcms/jcms/j_6/