Poésie [Collège]

Poésie [Collège]

I – Introduction

Pour les élèves en difficulté, l’objectif, lors d’un travail d’écriture, est qu’ils ne soient pas dans l’impossibilité de produire le texte demandé par la consigne, sans qu’il soit pour autant question de les dispenser d’écrire : l’apprentissage de l’écriture se fait dans l’écriture. Il faut donc adapter les travaux proposés, en fixant des objectifs et en pensant des évaluations dans le cadre d’une pédagogie différenciée (ce qui peut évidemment s’inscrire dans un dispositif du type PPRE). Plusieurs pistes s’offrent à l’enseignant :
° jouer sur le temps ou le volume : les élèves en difficulté peuvent disposer d’un temps plus long pour produire un écrit équivalent, ils peuvent disposer du même temps pour produire un écrit d’un volume plus modeste.
° jouer sur la difficulté de la consigne : les élèves en difficulté peuvent être dispensés de répondre à certaines contraintes de la consigne complète, ou bien ils peuvent disposer d’une consigne qui leur fournit un étayage propre à les lancer dans l’écriture de manière plus confortable.
° proposer un travail différent, lorsque celui qui est proposé à la classe ne semble pas pertinent.
° accompagner les élèves dans le travail d’écriture :
– explicitation de la consigne à l’oral
– explication des étapes à suivre, qui peuvent être notées sur le brouillon de l’élève
– « secrétariat » : l’enseignant écrit et met en forme un plan, rédige le début ou une partie délicate du travail d’écriture, à partir de ce que les élèves lui disent vouloir écrire (c’est le principe, adapté, de la dictée à l’adulte du premier cycle)
– aide à la relecture et à l’amélioration du brouillon, pendant la séance en classe ou par des conseils sur le brouillon avant un second temps d’écriture.
° accepter des écrits intermédiaires, qui permettent déjà aux élèves d’écrire et de développer leurs compétences, et à l’enseignant de mesurer l’investissement comme les progrès.

En ce qui concerne l’évaluation, sans que ce soit une injustice vis-à-vis des autres élèves de la classe, il est important de tenir compte des compétences et des difficultés, et de valoriser les efforts, les progrès, les réussites même si elles ne sont pas celles attendues pour les élèves qui ne rencontrent pas les mêmes difficultés. Les points faibles ne seront pas systématiquement pris en compte dans la notation, même si ils doivent être au coeur des apprentissages.
Les propositions qui viennent d’être faites, et qui sont illustrées par la troisième partie de cette section, concernent essentiellement les travaux d’écriture menés pendant une séance ou une partie de séance, mais il est également possible de faire écrire les élèves en difficulté dans le cadre de projet d’écriture longue : c’est l’objet de la quatrième partie, qui s’appuie sur un exemple concret pour illustrer cette autre voie.

 

II – Plan complet d’une séquence pédagogique de classe de sixième sur la fable

Classe de sixième : « soyons des lecteurs affables »

Objectifs de la séquence

– approfondir les connaissances génériques, s’initier aux techniques de la versification
– langue : l’emploi des temps, synonymes / antonymes / homonymes
– oral : lire et réciter une fable
– écriture : fable et parties de fables, réécritures

Séance 1 (2 heures)

– Oral : les fables dont on se souvient… récitation, reconstruction, titres, morales, histoires de fables lues, entendues ou apprises à la primaire ; réflexion sur l’activité mémorielle (amorces, rimes, histoires, schèmes narratifs…)

– Les deux Mulets (La Fontaine)

1 – Lectures
2 – L’histoire (schéma narratif)
3 – La moralité (signification, place, prise en charge)
4 – Le monde des fables de La Fontaine
5 – Ecriture : réécriture de la fable en prose dans un niveau de langue courant + présent de narration
6 – Versification : vers, rimes, octosyllabe, décasyllabe, alexandrin, accentuation, ligne mélodique, rythme, découpage rythmique des vers (dominante oral)
7 – Vocabulaire : recherche à la maison

 

Séance 2 (3 heures)

– Le Renard et la Cigogne (La Fontaine)

1 – Préparation silencieuse de la lecture à haute voix (déchiffrage, liaisons, rythmes)
2 – Lectures à haute voix
3 – Préparation collective avec signes portés sur le texte
4 – L’histoire
5 – La morale + présents d’énonciation, de narration, de vérité générale
6 – Ecriture : la Cigogne raconte l’histoire à son voisin le Héron, en tirant une morale et en faisant des commentaires
– Evaluation : lecture de la fable

Séance 3 (1 heure)

– Série d’activités et d’exercices
– étymologie, famille de mots (préparation maison)
– éléments de mythologie (préparation maison)
– choisir la morale d’une fable
– retrouver des rimes dans une fable à trous

Séance 4 (1 heure)

– La Mort et le Bûcheron (La Fontaine) (lecture et recherche du vocabulaire à la maison)
1 – Lectures
2 – L’histoire, le système temporel
3 – La moralité, l’allégorie de la mort, l’ironie
4 – Ecriture : inventer des moralités sur le comportement parfois stupide ou injuste de l’être humain
5 – Ecriture : transformation en scène de théâtre avec ajout de didascalies ; oral : jeu

 

Séance 5 (2 heures)

– Série d’exercices et d’activités
– questionnaire sur une fable moderne (réinvestissement, révision)
– l’infinitif de narration (écriture d’imitation)
– petits portraits animaliers (écriture d’imitation)
– apparier désignation / périphrase
– les comparaisons animales passées dans le langage courant

Séance 6 (1 heure)

– La Cigale et la Fourmi : versions de La fontaine et d’Esope

1 – Les points communs
2 – Les différences
3 – Conclusion (histoire / récits)
4 – Ecriture : rédiger deux narrations d’une même histoire (donnée), une brève et une longue, aux effets différents.

Séance 7 (1 heure)

– Oral : récitation d’une fable ou d’une partie de fable du « Petit fablier portatif » = Evaluation

Séance 8 (1 heure)

– La Cigale (Anouilh)

1 – Lectures (et paraphrase…)
2 – La modernisation de la fable : emprunts, apports, humour, décalage, intertextualité

Séance 9 (1 heure)

– Langue : (à partir de fables)
– travail sur les homonymes
– travail sur les synonymes
– travail sur les antonymes

Séance 10 (2 heures)
– Travail d’écriture : rédaction accompagnée et avec documents d’une courte fable animalière.

III – Propositions pédagogiques pour adapter les travaux d’écriture de la séquence aux élèves en difficulté

 Séance 1
L’échange en classe ou en groupe hétérogène doit permettre de clarifier la compréhension pour les élèves les plus en difficulté. Il faut alors se reposer beaucoup sur l’oral et l’utilisation du « texte caché ». Le travail écrit demandé aux élèves les plus en difficulté doit être modifié.
Séance 2
Les élèves disposent du texte de la fable « découpé » par l’enseignant pour faire apparaître les 4 grandes étapes du récit. La consigne leur demande de produire une phrase simple pour chaque étape, et de recopier la morale à la fin de leur texte.
L’évaluation est différenciée : sont pris en compte la capacité à reformuler l’essentiel (la trame de l’histoire a fait l’objet d’un temps d’oral collectif en séance), à changer de point de vue (ce qui suppose une prise de distance particulièrement intéressante pour la construction des compétences, et une réflexion sur les mots et leurs référents comme sur les stratégies nécessaires pour éviter les ambiguïtés), et à produire des phrases grammaticales. On le voit, même si le texte produit est nettement plus court, et sa structure quelque peu rigide parce qu’imposée, l’opération intellectuelle demandée n’est, elle, absolument pas altérée.
Séance 4
Les élèves fournissent le même travail que les autres sur l’invention de moralités. Ils sont dispensés de l’ajout de didascalies au texte de théâtre si nécessaire.
Pas d’évaluation.
Séance 5
Les élèves fournissent le même travail que les autres, mais le rythme et le nombre de productions sont moindres.
Pas d’évaluation.
Séance 6
Les élèves produisent deux récits courts au lieu d’un récit court et d’un récit long. Les brouillons sont vérifiés pendant la séance par l’enseignant, une aide est fournie.
L’évaluation est différenciée : c’est la compréhension de la consigne principale, et donc la production de deux récits à visées distinctes, qui sera le critère essentiel de la notation. Là encore, ce n’est pas la production d’un texte conforme en tout point au code qui est attendue avant tout, mais bien la compréhension par l’élève de ce qui fait un texte : il dit quelque chose, d’une certaine manière et dans un but précis. Le toilettage, lui, revient ici en grande part à l’enseignant.
Séance 10
Les élèves sont accompagnés pendant les deux heures dédiées à l’écriture. L’enseignant écrit la trame de la fable inventée
et dite par l’élève, assis avec lui à son bureau. Il lui donne (si nécessaire) davantage de cohérence en posant à l’élève des questions qui lui permettent de repérer les impasses narratives. L’enseignant en profite pour montrer à l’élève comment un brouillon permet d’éliminer, de remplacer, d’ajouter, de déplacer. Il les aide à trouver et à formuler la morale, et sélectionne les mots des documents qui peuvent être utilement employés pour enrichir le lexique et gagner en précision comme en variété.
L’évaluation repose sur les mêmes critères que pour le reste de la classe, la différenciation s’est opérée au moment de l’aide que les élèves ont reçue.

 IV – Le cas de l’écriture longue

Il est une séquence de l’année de sixième durant laquelle j’ai le plaisir de voir TOUS mes élèves produire un texte complet, cohérent, en général intéressant, propre, mis en page et illustré : celle sur le conte. Car, il n’y a là strictement aucune originalité, je leur fais écrire, à chacun, un conte merveilleux.

Plusieurs raisons expliquent le succès quasiment sans faille de ce travail d’écriture :
– il fait appel à des connaissances génériques bien assises dès l’école primaire, même pour les élèves en difficulté, et répond à un goût toujours affirmé pour les histoires qui font rêver, où tout est possible et où les enfants peuvent être rois… Les élèves de sixième sont donc motivés a priori, et l’enthousiasme collectif est aussi une force pour les plus démunis (d’enthousiasme).
– son étalement dans le temps, car six à sept séances sont nécessaires au minimum, permet de soutenir davantage les élèves qui en ont besoin, et les élèves en difficulté sont en général tranquillisés par le temps qui leur reste pour continuer et achever leur travail.
– les conditions matérielles dans lesquelles je me place : je mène l’intégralité de ce travail en demi-classe, en prenant garde surtout de former des groupes hétérogènes.
– la motivation que donne le produit final : il s’agit d’un recueil des textes de toute la classe, édité sous forme de livret, constitué de chaque texte définitif mis en page sur traitement de texte et illustré par son auteur ; ce livret est mis en consultation au CDI, il est aussi lu en classe par les auteurs – qui ont tous, bien entendu, un exemplaire du livret – à la fin de la séquence (ou par l’enseignant si la lecture est problématique, mais cela reste très rare).

Si l’on entre dans la gestion concrète de ce travail d’écriture, il me semble important de signaler quelques points qui me paraissent éclairants quant à la réussite des élèves en difficulté :

° la première séance (qui peut prendre deux heures) est une séance d’oral collectif, au cours de laquelle les élèves :
– récapitulent leurs connaissances à propos du conte : forme et formulettes, invariants et structure, univers, personnages types, morale, différence avec d’autres genres connexes, sous-genres &
– proposent des constituants : cadres, personnages humains et merveilleux, objets magiques. Tout est noté au tableau par l’enseignant alors que les idées fusent, puis recopié par les élèves au brouillon : c’est le trésor dans lequel ils vont puiser. Tous les élèves participent, les élèves en difficulté ne sont pas en difficulté à ce moment-là, même si leur fonds est moins riche et de nature différente. Cette première séance, lorsqu’elle est réussie, est à mon avis garante d’un travail qui ira à son terme.
° le travail d’écriture long vise aussi à faire comprendre la nécessité de la planification lorsque le texte à écrire atteint un certain volume et une certaine complexité. La séance consacrée à l’élaboration d’un canevas, du type schéma narratif, nécessite que les élèves en difficulté soient guidés efficacement, mais l’enseignant doit éviter de substituer ses idées aux leurs. Il m’arrive d’utiliser lors de cette séance le système du binôme : les voisins choisis – enrichissent le travail de l’autre par leurs propositions.
° la destination finale du texte et son insertion dans une publication permettent facilement d’imposer à tous de saines exigences en matière de respect du code. Evidemment, l’enseignant participe et aide. En salle informatique, le traitement de texte est précieux à cet égard, et je forme là encore assez souvent des binômes hétérogènes, en veillant à l’équilibre du travail de chacun de ses membres.
° Enfin, l’évaluation de ce travail est relativement complexe. Je prends en compte :
– l’activité et l’investissement des élèves au cours de chaque séance, sans tenir compte de la qualité (ni de la quantité) de ce qui est produit.
– le respect et la prise en compte des consignes données et des conseils dispensés tout au long de la séquence.
– les efforts consentis et l’enthousiasme pour l’illustration (en général faite en classe, dans la salle d’arts plastiques).
– le résultat : les critères classiques d’évaluation des écrits.
– l’écart éventuel entre cette production et celles qui ont précédé (donc, en général, valorisation pour les élèves en difficulté).
Concrètement, les notes s’échelonnent entre 13 et 20 sur 20.