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Mimer pour se cacher

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Si les prédateurs utilisent maints stratagèmes pour piéger leurs proies, celles-ci disposent bien souvent de ruses non moins remarquables pour tenter de leur échapper. La grande diversité du monde animal existe en partie grâce aux adaptations antiprédatrices d’espèces qui demeurent des proies recherchées.

Parmi les différentes stratégies développées, on retrouve en général trois formes d’adaptation, regroupées sous le terme de « mimétisme » au sens large : le camouflage, c’est-à-dire l’adoption d’une livrée « cryptique » se confondant avec l’environnement ; l’aposématisme, qui consiste à arborer des couleurs criardes de mise en garde contre un réel danger ; et le travestissement, ou mimétisme au sens strict, dont le but est de se faire passer pour une autre espèce, souvent redoutée, en prenant son apparence ou en imitant un de ses comportements.

1. Se fondre dans l’environnement :

Pour assurer leur survie, certains animaux ne doivent pas se détacher de leur milieu mais se camoufler, c’est-à-dire se fondre dans le paysage. Nous allons voir comme les modes de camouflages sont variés : adoption de couleurs ou des formes cryptiques plus ou moins élaborées qui se mêlent à la végétation ou au minéral (sable, rocher).

  • Le phasme, roi du camouflage 

Le phénomène de « phytomimétisme », autrement dit le camouflage par imitation du support végétal, se rencontre chez de nombreuses espèces animales. Maîtres en la matière, les phasmes sont des insectes vivant dans les forêts tropicales. Ils ressemblent à s’y méprendre aux rameaux ou aux brindilles de l’arbre sur lequel ils vivent. Les plus grands peuvent atteindre 30 cm de long. À leur corps long et mince s’articulent des pattes évoquant les « rameaux secondaires » des branches. L’étude de l’un d’eux, le Carausius morosus, élevé dans les laboratoires, a permis d’élucider les secrets de son camouflage. La journée, il reste totalement immobile au même endroit et la nuit, il se déplace très lentement afin de ne pas se faire remarquer d’un éventuel prédateur.

Les phasmes n’ont pas tous une coloration identique : ils peuvent être verts ou bruns, avec de nombreuses nuances. C’est lors du stade larvaire qu’ils acquièrent leur couleur définitive : des pigments dermiques sont alors créés ou détruits de telle sorte que la teinte de l’animal soit harmonisée avec celle de son support. Adulte, il a la faculté de changer l’intensité de sa couleur, ce qui complète son camouflage : en effet, il est plus clair le jour que la nuit ; ces variations chromatiques qui persistent encore si l’animal est maintenu plusieurs semaines dans l’obscurité ou en lumière constante, sont dues à des hormones agissant sur les chromatophores, cellules porteuses des pigments de la peau : les pigments bruns se dilatent ou se rétractent, en fonction de la lumière captée par les yeux, ce qui entraîne les changements de couleur. Le message lumineux est transmis au système nerveux central qui régit la libération d’hormones dans le corps. La lumière est le principal facteur influant, mais il a été également mis en évidence le rôle non négligeable de la température et de l’humidité relative dans ces changements de couleur quotidiens.

Si la plupart des phasmes sont aptères, c’est-à-dire sans ailes, certains complètent leur panoplie antiprédatrice par des ailes vivement colorées mais non visibles en position de repos ; en cas d’alerte, ils les déploient soudainement devant l’agresseur pour le déconcerter, puis les replient aussi rapidement, faisant douter de leur position précise sur la branche.

Apparentées aux phasmes, les phyllies(Phyllium bioculatum), connues sous le nom d’ « insectes-feuilles » sont les seules à avoir une forme complètement aplatie ; leurs élytres nervurés et leurs pattes repliées contre elles, portant des excroissances lobées, imitent à la perfection les feuilles des espèces végétales sur lesquelles elles vivent. Des irrégularités dans leurs contours complètent la ressemblance allant même parfois jusqu’à faire croire au passage d’une chenille folivore.

  • Les écorces vivantes

Chez les oiseaux, la palme du camouflage revient aux podarges et à ceux auxquels ils s’apparentent : les engoulevents, les ibijaux ou les guacharos. Citons, par exemple, le Podargus strigoides, un podarge australienque l’on rencontre dans différents terrains boisés. Nocturne, il passe la journée seul ou en couple, posé sur un tronc de bois mort. Son plumage soyeux aux couleurs brunes ou grises, parsemé de taches et de rayures de même ton, le rend totalement identique à son support. À cela s’ajoute une immobilité parfaite dans une posture caractéristique : il étire la tête et le cou afin que son bec court et aplati soit dans le prolongement de son corps; les yeux sont clos, ne laissant apparaître que deux fentes allongées.

Le fait d’imiter à la perfection l’extrémité d’une branche morte est essentiel pour cet oiseau qui peut ainsi se reposer la journée sans craindre les prédateurs. Si toutefois il est menacé, il adopte une posture d’intimidation le faisant paraître beaucoup plus gros qu’il n’est vraiment : il baisse les ailes, hérisse les plumes de la tête et ouvre le bec.

  • L’Uroplate

Le podarge n’est pas la seule espèce animale à adopter cette coloration cryptique; tel est aussi le cas d’un reptile : l’uroplate, ou gecko à queue plate Uroplatus fimbriatus) réparti dans les plaines et les montagnes orientales de Madagascar. Cet étonnant lézard endémique, est parfaitement adapté à son environnement et connaît peu de prédateurs naturels. Comme chez tous les geckos, ses doigts munis de ventouses en font un grimpeur hors pair. Il sait se rendre invisible grâce à sa coloration mimétique imitant une écorce d’arbre recouverte de mousse et de lichen, à son corps aplati et à son immobilité face au danger.

  • L’embuscade parfaite : les Thomises

Un guet-apens réussi nécessite une parfaite dissimulation du chasseur. Cette condition est admirablement remplie par les araignées insectivores de la famille des Thomisidés. Celles-ci sont également appelées araignées-crabes à cause de leur corps massif et de leur démarche en diagonale ou latérale. Ces araignées se dissimulent à l’intérieur des inflorescences ou s’installent sur une fleur de couleur identique à la leur. Certaines espèces sont même capables de modifier leur coloration pour pouvoir passer inaperçues sur une plus grande variété de fonds. Le changement de couleur nécessite un délai de quelques jours. Ainsi, en attendant leurs proies, les araignées-crabes se confondent parfaitement avec leur environnement.

Les Thomises utilisent également un mimétisme olfactif pour attirer leurs proies en émettant des odeurs qui plaisent aux insectes.

Une fois la proie à portée de « bouche », elles inoculent un venin neurotoxique d’action rapide, le plus souvent juste derrière la tête des insectes. Leur rapidité et leur discrétion évitent d’attirer l’attention d’intrus pouvant nuire au bon déroulement de l’embuscade.

Une espèce en particulier, Phrynarachne decipiens, va beaucoup plus loin et construit un piège original, capable non seulement d’attirer les proies mais aussi d’assurer sa propre défense contre d’éventuels prédateurs. Cette araignée, dont le corps est teinté de noir et de blanc, vit dans les forêts de Bornéo. Pour chasser, elle choisit une feuille et tisse un tapis de soie blanche sur lequel elle s’installe. Tout cela semble bien banal, mais le résultat est pour le moins surprenant… Le corps noir et blanc de l’araignée sur le tapis de soie nacrée simule parfaitement l’aspect des excréments d’oiseaux qui constituent la nourriture de plusieurs insectes et surtout des papillons. Attirés par ce leurre, certains d’entre eux se posent naïvement sur l’araignée qui, profitant alors de l’effet de surprise, applique sa morsure fatale.

  • La mante

La mante religieuse est experte, elle aussi, dans l’art de l’embuscade et du camouflage. Connue de tous pour sa position « de la prière » (pattes antérieures jointes devant la tête), la mante est un carnivore vorace. Ses pattes antérieures, dites ravisseuses, sont ornées d’une rangée d’épines redoutables qui constituent une sorte de pince quand les pattes sont repliées. La mante peut rester dans cette position des heures durant, prête à bondir. Ses couleurs assorties aux substrats lui confèrent une invisibilité presque parfaite. Quand une proie s’approche trop près, la mante projette ses hanches vers l’avant, déplie ses pattes et, comme un éclair, de ses pinces dentées elle la saisit. Ainsi capture-t-elle toute sorte d’insectes, sans toutefois dédaigner les lézards et les oiseaux !

En Malaisie, les nymphes du genre Hymenopus simulent à la perfection les fleurs d’orchidée. Selon la couleur de la fleur choisie comme poste d’observation, les mantes deviennent roses, blanches ou jaunes. Leurs membres possèdent des prolongements latéraux dont la forme et la texture imitent les pétales. En position d’embuscade, les mantes-fleurs, allongent leurs quatre membres postérieurs et soulèvent leur abdomen ovale qui prend alors l’allure d’un beau bouton d’orchidée. La ressemblance est telle que les papillons n’arrivent pas à distinguer le vrai du faux et, sans crainte, viennent récolter le nectar.

  • Jeux d’ombre et de lumière

Si toutes ces espèces se confondent avec leur environnement, il en existe d’autres qui adoptent des couleurs disruptives pour compléter l’efficacité de leur camouflage. Le but de cette adaptation est de briser la forme et la symétrie bilatérale de l’animal par des couleurs contrastées qui vont s’intégrer dans un décor dense, aux teintes et aux tons très variés, au milieu duquel un animal uniformément coloré serait immédiatement repéré. Cette rupture de silhouette peut se manifester de plusieurs manières : l’alternance de rayures sombres et claires, par exemple, se retrouve entre autres chez les zèbres, chez de nombreux serpents et poissons et chez quelques amphibiens. Sur un fond clair, le prédateur distingue uniquement les bandes les plus foncées, donc sans signification à ses yeux, et, à l’inverse, dans un environnement plus sombre, seules les rayures claires se détacheront. La forme de l’animal est brisée !

Bien souvent, les colorations disruptives ne trouvent leur efficacité qu’avec le concours de l’ombre et de la lumière.

En effet, prenons deux exemples: une chenille de sphingide et un poisson, le maquereau. La méthode utilisée, dite d’ombre inversée, consiste à éliminer les ombres. Les sphingides (famille des Sphingidés) sont des grands papillons butineurs, essentiellement tropicaux : les sphinx. Certaines de leurs chenilles sont vertes, mais cette teinte va en dégradé : la face ventrale est foncée, tandis que la face dorsale est claire. Si la lumière éclaire la partie la plus sombre du corps, donc le ventre, celui-ci prend naturellement un aspect plus clair compensent l’ombre de la partie non éclairée, c’est-à-dire le dos. Ce jeu de lumière atténue tout relief de la chenille qui parait aussi plate qu’une feuille. En fait la chenille se tient toujours dans la bonne position : le ventre tourné vers la lumière. Chez d’autres espèces, on trouve un dégradé contraire: le dos sombre, le ventre clair; dans ce cas, les chenilles adoptent la posture inverse en exposant la face dorsale à la source d’éclairement.

Quant au maquereau sa coloration présente également une polarité pigmentaire lui permettant d’utiliser la technique d’ombre inversée : dos vert, ventre blanc brillant. Si le prédateur arrive « d’en haut », un goéland par exemple, le dos foncé du poisson se confond avec l’arrière-plan plus sombre du fond marin; à l’inverse, l’ennemi venant des profondeurs, un requin ou un thon, en remontant vers la surface, est ébloui par la luminosité des rayons solaires : le ventre argenté du maquereau imitant la lumière passe inaperçu.

Chez les antilopes, et plus précisément les gazelles, le contraste des couleursjoue le même rôle: le dos plus ou moins brun, éclairé par le soleil, prend une apparence claire pour diminuer le contraste existant avec le ventre et les flancs blancs, et arrondir tous les angles de la silhouette afin d’être mieux dissimulé dans son milieu.

  • Les plantes-cailloux

Les animaux ne sont pas les seuls à pratiquer le mimétisme. Certains végétaux se confondent aussi remarquablement bien dans l’environnement. De nombreuses espèces de la famille des Mésembryanthémacées, vivant dans le désert du Namib en Afrique en sont un exemple typique.

En réponse à la prédation animale, les elles ont adopté la forme, la couleur et même la texture de composants du support sur lequel elles poussent : elles sont ainsi camouflées et échappent aux herbivores potentiels.

L’imitation des cailloux est la plus parfaite dans le genre Lithops ou plantes-cailloux où la plante entière ressemble à une pierre.

Lors de la saison sèche , ces plantes seraient une aubaine pour les herbivores assoiffés, car elles stockent l’eau en abondance dans leurs tissus.

Il est extrêmement difficile de détecter ces plantes sur le fond de la végétation rase surtout lors de la saison sèche quand elles se ratatinent et sont partiellement recouvertes de sable.

On ne repère ces Lithops que lorsqu’elles sont en fleurs. Heureusement les fleurs ont une durée de vie très brève et n’apparaissent que pendant la saison humide, lorsque la nourriture est abondante pour les herbivores. Elles échappent ainsi à leurs prédateurs. 

  • La culture des plantes mimétiques

Dans les pays en voie de développement, une autre forme de mimétisme chez les plantes est apparue : le mimétisme vavilovien.

En effet, l’espèce Homo sapiens (l’homme) est un prédateur pour les plantes : lorsqu’il fait des cultures, il ne tolère sur son champ que l’espèce qu’il souhaite cultiver.

Or dans les pays en voie de développement, le désherbage s’effectue principalement à la main et c’est aux agriculteurs de distinguer les plantes cultivées et les mauvaises herbes. En général c’est facile, sauf quand la mauvaise herbe et la plante cultivée ont le même aspect. Les mauvaises herbes sont d’autant plus épargnées qu’elles ressemblent aux plantes cultivées.

Dans les années 50, au Swaziland, les rizières ont été envahies par 2 espèces de riz sauvage en raison du mimétisme visuel des riz sauvages imitant le riz cultivé. Le rendement de la récolte a été grandement diminué car le riz sauvage est impropre à la consommation.

De plus l’ensemble se complique car le riz sauvage peu s’hybrider avec le riz cultivé, et ajoute un 3ème riz sauvage non comestible.

Afin d’éliminer les riz sauvages des rizières, des généticiens ont mis au point des riz cultivés à feuilles pourpres, faciles à distinguer du riz sauvage à feuilles vertes.

Mais en peu de temps, le processus naturel d’hybridation du riz sauvage avec le riz naturel et l’influence du désherbage manuel, fit bientôt apparaître du riz sauvage à feuilles pourpres, réduisant à néant la possibilité d’utilisation des couleurs de feuilles comme moyen de discrimination.

 Le mimétisme ne se limite pas au stade végétatif d’une plante cultivée : il se manifeste à différents stades du cycle de vie de la plante, comme par exemple la graine.

Dans des champs de lin, en Russie on trouve une variété de la mauvaise herbe, Camelina sativa (variété linicola), à tiges fines non ramifiées et à feuilles étroites et pâles, ressemblant au lin. Cette ressemblance n’est cependant pas le résultat d’une sélection introduite par le désherbage manuel, qui n’est pas pratiqué dans les champs de lin, mais une simple adaptation à la vie à l’ombre des tiges de lin denses. Le mimétisme chezCamelina sativa porte sur les graines de la mauvaise herbe, qui ressemblent beaucoup à celles du lin.

Les graines de Camelina sont mûres au même moment que celles du lin, et comme les fruits dans lesquels elles se trouvent, sont indéhiscents (ils restent attachés à la plante), ils sont récoltés en même temps que la plante cultivée. Normalement, les semences qui ne sont pas des graines de lin sont éliminées au cours des opérations de battage et de vannage, mais les graines de Camelina ont acquis des propriétés qui les rendent semblables aux graines de lin au moment du vannage ; même si les graines de ces deux espèces ont un aspect différent, elles sont soufflées à la même distance par la trieuse. Les graines sont donc mélangées et semées ensemble la saison suivante et le complexe mimétique perdure. Les diverses variétés de lin qui poussent en Russie possèdent des caractéristiques différentes et les graines de Camelina ont évolué dans chaque région comme le modèle qu’elles imitent, assurant ainsi leur survie

Des trieuses perfectionnées combinées à des variétés cultivées améliorées briseront vraisemblablement la relation mimétique entre plantes cultivées et mauvaises herbes – du moins momentanément.

Le mimétisme dans les systèmes agricoles n’est pas toujours un inconvénient pour l’homme. Grâce à leur ressemblance avec des espèces cultivées, certaines mauvaises herbes imitatrices de plantes cultivées sont devenues elles-mêmes des productions importantes. Le Russe N. Vavilov a été le premier à observer, à la fin des années 1920, que dans des récoltes précoces de céréales telles que le blé, on recueillait des mauvaises herbes ressemblant au seigle et à l’avoine , l’homme les soumettait involontairement à une sélection fondée sur leurs caractères domestiques en recherchant des grains de grande taille, des panicules rigides et des tiges qui ne cassent pas. Avec le temps, ces mauvaises herbes ont accédé progressivement au rang de production à part entière, et leur survie dépend aujourd’hui de l’homme.

N. Vavilov a utilisé le terme de «récolte secondaire» pour désigner ces espèces de plantes domestiquées qui étaient, à l’origine des mauvaises herbes mimétiques, et ce processus, connu sous le nom de mimétisme vavilovien, n’a pas d’équivalent dans d’autres écosystèmes. Cette évolution si rapide représente un argument de poids en faveur de l’adaptation évolutive par la sélection naturelle.

Le mimétisme chez les plantes implique de nombreux types d’interactions écologiques et couvre toute une gamme de phénomènes qui s’étend des stratégies de pollinisation par supercherie au camouflage qui préserve de la prédation, ou encore à la survie des mauvaises herbes que l’homme épargne, car elles ressemblent aux plantes cultivées. Dans chaque cas, le mimétisme est la résultante des mutations génétiques survenant au hasard et qui interagissent avec les pressions de sélection exercées par l’environnement dans lequel vit l’organisme. Ainsi, l’existence du mimétisme chez les plantes est une démonstration éclatante de la puissance de la sélection naturelle qui gouverne l’évolution.

  • La dimension temps dans le mimétisme 

Les mimétismes visuels peuvent évoluer en fonction du temps qui passe pour permettre une meilleure efficacité. Le délai de transformation peut être de quelques minutes à plusieurs mois en fonction du mode de changement de couleur. Voyons quelques exemples.

Variations dans des délais brefs : homochromie variable

Variations d’Octopus

La majorité des animaux passés maîtres en matière de camouflage ont un aspect figé qui les fait disparaître dans leur propre environnement. Changeons-les de décor, ils deviennent alors parfaitement visibles.

La pieuvre (Octopus vulgaris), quant à elle, passe inaperçue quel que soit le fond marin sur lequel elle se pose. Comment réalise-t-elle ce tour de magie qui la fait disparaître aux yeux de ses prédateurs ? Simplement en adoptant en une fraction de seconde, la couleur de son environnement. Trois types de cellules entrent en jeu: les chromatophores, les iridophores et les leucophores. Les chromatophores contiennent un sac pigmentaire qui peut se contracter ou se dilater grâce à l’action de fibres musculaires périphériques. Ces cellules, renfermant des pigments jaunes, orange, rouges, bruns ou noirs, sont disposées en quatre ou cinq couches. Des couches cellulaires sous-jacentes renferment les deux autres types de cellules : les iridophores, contenant de la guanine et des urates, réfléchissent la lumière captée, et les Ieucophores dispersent la lumière, donnant ainsi des taches plus ou moins foncées. Ces cellules sont dévoilées ou masquées par les chromatophores en fonction de la densité des pigments, c’est-à-dire du degré de contraction des sacs pigmentaires.

D’autres critères interviennent en particulier l’âge de l’animal : à la naissance, une pieuvre compte une soixantaine de chromatophores lui permettant uniquement de pâlir ou de foncer, tandis qu’un individu adulte n’en possédera pas moins d’un ou deux millions ! Toutes les variations sont possibles dans les teintes et les dessins de la peau. Subtilité supplémentaire pour parfaire cette adaptation quelques pieuvres hérissent leur corps d’aspérités pour améliorer leur mimétisme avec les rochers.

Variations du caméléon

Le célèbre caméléon est capable de changer de couleur en fonction de son environnement. En l’espace d’une ou 2 minutes, il est capable de changer de teinte pour se fondre dans l’environnement. Le mécanisme permettant le changement de couleur est analogue à celui de la pieuvre.

Variations en fonction des saisons : homochromie simple

Pour devenir invisible de nombreux animaux se dissolvent dans l’environnement (ex lionne dans la savane). Or il est bien rare qu’au fil des saisons la nature reste immuable. Il faut donc s’adapter au nouvel environnement comme le fait le Lagopède à queue blanche (lagopus leucurus). A l’automne, la durée du jour diminue et provoque la chute de son plumage marron, noir et blanc (adapté aux couleurs d’été et automne). Il sera remplacé par un plumage blanc qui lui permettra de se confondre parfaitement dans la neige des montagnes où il vit.

De nombreux autres animaux comme le lièvre variable etc. changent de couleur en fonction des saisons.

2. Se cacher en se déguisant :

  • Le déguisé des mers


Drmidiopsis
Et puis il y a les animaux qui voudraient bien disparaître aux yeux de leurs ennemis; mais la nature ne leur a pas donné les attributs indispensables au camouflage. Quelques rares espèces compensent cet oubli en exploitant au mieux des éléments de leur milieu pour se confectionner un déguisement. Cette technique se rencontre chez quelques espèces de crabes de la famille des Majidés (plus connus sous le nom d’araignées de mer), des dromiacés et des oxyrhynques.

Ils possèdent quatre paires de longues pattes locomotrices et une paire de pattes antérieures modifiées en pinces, les chélipèdes. Chez certains, la paire de pattes la plus postérieure sert à la préhension des divers matériaux destinés au camouflage.

Comment ces crabes procèdent-ils pour se déguiser ?

Tout d’abord, ils choisissent des éléments du milieu : des algues amassées à l’aide de ces chélipèdes, ou des morceaux d’éponges et d’anémones qu’ils découpent à l’aide de leurs appendices buccaux afin de leur donner la bonne taille. Mais ils utilisent également des fragments de coraux, gorgones, alcyons, morceaux de coquilles de mollusques, ascidies coloniales

Les éléments récoltés, ces crabes en triturent l’extrémité afin de les rendre rugueux. Ainsi modifiés ils sont acheminés, par les pattes, aux différents endroits de la carapace où ils vont être fixés.

L’adhésion se fait grâce à des poils recourbés en forme de crochets, présents sur la carapace, les pattes, ou même sur le rostre (prolongement céphalique en avant de la carapace), et dans lesquels les fragments vont s’emmêler. Elle est améliorée grâce à la « colle », liquide adhésif secrété par les glandes salivaires. Celle des oxyrhynques est parfaite et sert même d ‘engrais aux végétaux collés, par contre celle des dromies est de piètre qualité et les éléments du costume tombent souvent.

Souvent, les éléments prélevés continuent à vivre; on a ainsi vu des éponges ou des anémones se développer, recouvrir complètement la carapace et déborder de celle-ci !

Lors de la mue, certains de ces crabes prennent soin de récupérer les ornements de leur ancienne carapace et de les fixer sur la nouvelle.

Ces crabes recherchent des substrats sur lesquels ils sont homochromes et ils sont capables de changer de déguisement lorsque leur camouflage ne correspond plus à la couleur du milieu. Des expériences faites en France par R. Minkiewicz (1907) sont caractéristiques. Il constate que des crabes du genre Maia dont la carapace a été débarrassée de tous ses débris, placés dans des aquariums dont les parois sont couvertes de papiers de couleur, choisissent, pour se couvrir, les papiers correspondant à la couleur du milieu. Si ces crabes ainsi habillés sont ensuite transportés dans des aquariums dont les deux moitiés sont différemment colorées, ils se dirigent vers la moitié de l’aquarium dont la couleur correspond à leur revêtement. D’autres crabes du genre Hyas, revêtus d’algues rouges et introduits dans des aquariums tapissés uniquement avec des éponges, sont capables de changer leur déguisement et dès le lendemain ils sont recouverts exclusivement d’éponges.

En général, cette habitude de déguisement dure toute la vie de l’animal, mais une espèce californienne,Loxorhyncus crispatus cesse cette activité dès qu’elle a atteint une taille suffisante pour ne plus craindre les prédateurs.

  • La larve de chrysope

Les larves de chrysope ont trouvé le moyen idéal pour se mêler à leurs proies (les pucerons laineux) : elles se vêtissent de leurs cadavres. En effet, elles se couvrent de poils arrachés à leurs modèles (les pucerons). Si on déshabille expérimentalement ces larves, elles passeront leur temps à manger les pucerons et à leur arracher la laine pour s’en vêtir.

Ces larves dupent parfaitement bien les pucerons mais aussi les fourmis protectrices des pucerons qui les protègent au même titre que les vrais pucerons !!

Elles vivent donc bien protégées au milieu de leur garde manger !!!