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Evolution et mimétisme

1. Genèse et maintien du mimétisme

Toute caractéristique physique d’un être vivant est déterminée (en grande partie) par ses gènes, qui sont une séquence donnée de molécules (les désoxyribonucléotides), constituant l’ADN.

Chaque gène code pour une protéine donnée qui si on simplifie, est à l’origine d’un caractère donné.

Supposons qu’un individu A possède le caractère A.

Si la séquence A du gène est modifiée (par une mutation par exemple),la protéine A l’est aussi et le caractère A également. Appelons A’ le nouveau caractère.

D’une génération à l’autre, l’ADN, support des gènes, est conservé. Le nouveau caractère A’ sera donc transmis à la descendance si l’individu se reproduit.

Plus les individus porteurs du caractère A’ se reproduiront, plus le caractère A’ sera répandu dans la population.

Or pour qu’un individu se reproduise plus qu’un autre, il faut qu’il ait un avantage sélectif qui augmente son taux de survie et/ou de reproduction.

Par conséquent, si le caractère A’ confère cet avantage aux individus qui le portent, ceux-ci seront de plus en plus nombreux dans la population et peu à peu toute l’espèce pourra devenir mimétique.

A’ peut être un caractère de « ressemblance mimétique ».

Si le caractère A’ présente un avantage sélectif par rapport à A, les individus portant A’ auront un meilleur taux de survie : ils se reproduiront davantage et donc seront plus nombreux, ainsi le caractère A’ se répandra dans la population.

2. A-t-on étudié ces phénomènes de mimétisme dans la nature ?

Un exemple existant chez les papillons a permis de confirmer cette théorie, à l’époque de la révolution industrielle, en Angleterre.

Durant cette période, les gaz sulfuriques produits en abondance par les usines ont tué les lichens particulièrement sensibles à la pollution. La suie s’est déposée sur les arbres, les murs et les rochers. L’environnement a noirci.

L’étude des populations phalène du bouleau montrent des résultats intéressants.

Avant cette période, la grande majorité de ces papillons était de couleur claire ou couleur écorce, exception faite d’une variété (morphe) gris foncé très rare.

Le premier spécimen noir connu a été capturé en 1848 à Manchester. On la nomma « variété carbonaria ». En 1895, pas moins de 98% des phalènes du bouleau étaient noires dans le district de Manchester.

L’espèce qui se reproduit au rythme d’une génération par an était-elle devenue un nouveau mime, avec l’écorce noircie pour modèle ?

Si c’était le cas, il fallait admettre une sélection par les oiseaux : aisément dupés par l’homochromie noire dans les régions industrielles, ils auraient capturé de préférence les morphes claires, d’où le net avantage des papillons noirs pour leur survie. A l’inverse, avant l’industrie du charbon, les oiseaux auraient systématiquement éliminé les mutants noirs, bien visibles sur les troncs clairs.

Les arguments en faveur de cette hypothèse sont les suivants :

  • pendant le jour, les papillons se reposent immobiles, sans défenses sur les écorces des arbres.

  • Dans les régions non soumises à la pollution par les usines, les lichens persistent (Cornouailles, Écosse du nord) et les phalènes ont gardé leurs proportions originelles.

  • Des morphes noires sont apparues chez d’autres espèces de papillons dans les régions polluées papillon

Un argument laisse quand même planer les doute sur cette théorie : on n’a jamais observé d’oiseau en train d’attraper un papillon sur un arbre…

Pour vérifier cette théorie, un chercheur de l’université d’Oxford, H.B.D. Kettwell se lance dans une expérience à grande échelle.

Il compare à la jumelle la destinée des papillons sur les troncs dans une région polluée et dans une non polluée. La région polluée compte 4% de morphes claires, tandis que celle non polluée est totalement dépourvue de morphes noires.

Le chercheur lâche quotidiennement 50% de phalènes claires, 50% de phalènes noires dans ces 2 régions.

Au bout d’un certain temps, l’échantillonnage de la population montre 164 papillons noirs et 26 clairs dans la région polluée (arbres à écorce noire), et 15 noirs et 43 clairs dans la région non polluée (arbres à écorce claire). Les résultats sont convaincants et démontrent bien l’efficacité de l’homochromie.

3. Co-évolution plantes-fleurs

Diverses fleurs, notamment celles des Orchidées, n’émettent leurs parfums qu’à certaines heures, le matin ou l’après-midi, au crépuscule ou en pleine nuit : sont évidemment susceptibles de réagir les Insectes actifs aux mêmes heures. Aussi, parmi les innombrables fleurs exploitées par divers animaux ailés, si certaines accueillent un grand nombre d’espèces (notamment d’Insectes), d’autres ont des exigences beaucoup plus strictes, et n’ont parfois qu’un unique pollinisateur. u>La survie de celui-ci et celle de la plante peuvent alors être étroitement liées.

On constate souvent d’étonnantes correspondances des caractères morphologiques et biologiques de certaines fleurs avec ceux des animaux visiteurs, surtout si le pollinisateur est unique. L’évolution simultanée de ce dernier avec la plante qu’il pollinise (coévolution) semble une nécessaire réalité, dont le mécanisme nous échappe généralement. Les orchidées sont particulièrement étudiées à cet égard, depuis Darwin. On sait que celui-ci, à la suite de l’observation vers 1860 de l’Orchidée malgache Angraecum sesquipedale, dont l’éperon nectarifère atteint 30 centimètres, avait supposé l’existence d’un pollinisateur doué d’une trompe de longueur analogue, par ailleurs d’une taille suffisante pour que sa tête entre en contact avec les pollinies de la fleur au moment où il absorbe le nectar. Il avait, en outre, pensé qu’il s’agissait d’un Papillon nocturne, les fleurs blanches étant généralement pollinisées de nuit, à la pâle clarté lunaire. Il fallut attendre 1903 pour que le pollinisateur de cet angraecum soit découvert; il est exactement conforme aux prévisions de Darwin : un papillon nocturne de grande taille, apparenté aux sphinx, à trompe remarquablement longue. D’autres Angraecum de la même région, à éperon nectarifère plus court, sont pollinisés par des sphinx à trompe également plus courte.

Le naturaliste anglais Alfred Wallace proposa d’interpréter le mimétisme comme un moyen de défense et comme un exemple de l’efficacité de la sélection naturelle. Le mimétisme permet la conservation des variétés et des espèces les mieux adaptées à un milieu donné et pendant une période précise, éliminant les autres groupes moins bien adaptés à la concurrence vitale.