Le tutorat entre pairs

Les relations coopératives peuvent prendre trois formes :

– l’aide où un enfant reconnu comme expert vient apporter ses connaissances à un enfant qui en a manifesté le besoin.

– L’entraide qui voit deux ou plusieurs enfants se réunir à plusieurs pour tenter de résoudre un problème ou une difficulté

Le tutorat où un enfant accepte pour un temps donné et avec un objectif précis d’accompagner un de ses camarades afin qu’il devienne autonome dans le domaine du tutorat.

APPRENDRE AVEC LES PÉDAGOGIES COOPÉRATIVES de Sylvain Connac

Entretien avec Sylvain Connac

Dans l’ouvrage, il est question du « maître comme institution zéro ». Pouvez-vous définir un peu plus cette idée ?

Les pratiques coopératives font référence à une culture pédagogique et humaniste précise : exercice de la non-violence, évaluation formatrice, responsabilisation des élèves, personnalisation des apprentissages. Même si d’un point de vue didactique il serait intéressant de permettre aux élèves de créer l’environnement dans lequel ils vont travailler durant l’année scolaire, ce ne serait pas opportun dans la pratique : cela nécessiterait bien trop de temps, au détriment du rapport aux savoirs. Il a fallu plusieurs millénaires à l’humanité pour construire la notion de démocratie, apprendre à coopérer n’est pas immédiat.
C’est pour cela que René Laffitte qualifie l’enseignant « d’institution zéro » de la classe coopérative. Pour aider les élèves à ne pas tout réinventer, l’enseignant apporte, présente et fait vivre une première forme de la structure de la classe. Les enfants peuvent donc entrer dans l’entreprise coopérative, s’y sentir respectés, y trouver leurs marques et engager les premières formes de travail. À charge ensuite de la vie coopérative de faire évoluer les institutions de la classe, notamment par l’intermédiaire de ce qui se décide en conseil.
C’est ainsi que, progressivement, la structure de la classe prend la forme qui correspond le mieux au groupe et à l’enseignant en autorisant les élèves à devenir acteurs et auteurs de leurs journées scolaires.

Vous ne parlez guère des manuels, sauf pour rappeler que Célestin Freinet en souhaitait la disparition. Pouvez-vous préciser votre point de vue ?

Au sein d’une classe coopérative, l’enseignant s’efforce de se mettre en retrait, afin de susciter la mise en activité et la prise d’initiative des élèves. En même temps, il ne faudrait pas que cette posture induise un appauvrissement du milieu de vie des enfants. Il est même indispensable que la classe coopérative propose davantage de sollicitations qu’une classe principalement animée par un enseignant.
C’est à ce niveau-là qu’interviennent les outils, pour combler les interventions que le maître se refuse de faire et permettre aux enfants de développer des projets vecteurs d’apprentissages. Il est donc essentiel qu’ils puissent compter sur des activités à la fois autonomes, personnalisées et didactiques. Je pense ici aux diverses ressources documentaires, aux outils de manipulation, aux fichiers autocorrectifs, aux supports informatiques.
Pour d’autres raisons qu’il convient de respecter, les manuels s’inscrivent souvent dans une progression didactique, nécessitent un guidage fort de l’adulte et une gestion collective du groupe. Au sein d’une classe coopérative, ces mêmes manuels s’avèrent surtout utiles pour diversifier les activités didactiques, en particulier lors de la conduite de groupes de besoin.

Quelle serait une formation initiale et/ou continue des enseignants qui irait dans le sens d’un développement des pédagogies coopératives à l’école

Il me semble que la formation professionnelle des enseignants gagnerait à s’articuler autour de quatre grands piliers :
– Proposer une formation sur la conduite de classe, autour des questions essentielles comme la gestion des relations, l’autorité, la discipline, les libertés, la prise en compte des difficultés, l’acceptation de la différence et de l’hétérogénéité.
– Permettre aux enseignants de connaître les dernières recherches en matière de fonctionnement du cerveau, notamment pour concevoir sérieusement l’acte d’apprendre qui devrait être une préoccupation prioritaire par rapport à celle d’enseigner.
– Aux enseignants qui débutent dans le métier ainsi qu’à ceux qui souhaitent voir leurs pratiques évoluer, présenter des outils pédagogiques facilitant le travail par la coopération. Il est ici question d’outils matériels comme ceux que j’ai présentés plus haut et d’outils organisationnels comme les institutions d’une classe coopérative : le conseil, le « quoi de neuf ? », les messages clairs, les brevets, les ceintures, les plans de travail sans oublier les valeurs qui ont guidé leur introduction en pédagogie.
– Enfin, comme l’explique judicieusement Gilles Ferry, faire plus de place au sujet que sont les enseignants, à leur sensibilité, à leurs rêves. Leur laisser la possibilité de rêver à ce qu’ils ont envie de devenir, aux projets qu’ils souhaitent faire vivre.

Propos recueillis par Richard Étienne