Retour à Vidéo – L’éducation au changement climatique par Pierre Léna astrophysicien français

Abstract de la conférence

Le contexte a été clairement marqué en 2015 par la signature unanime de l’accord de Paris lors de la COP21, et par la publication des objectifs du développement durable des Nations unies. Peu après ont suivi les rapports spéciaux du GIEC, fondés sur des connaissances et analyses scientifiques, portant sur l’objectif de 1,5°C, puis sur l’usage des sols, enfin sur l’océan et la cryosphère. Aux côtés de la finance et de l’économie, l’éducation devient un élément essentiel dans la mise en œuvre de l’indispensable transition climatique et écologique, puisqu’il s’agit bien d’une évolution indispensable et profonde des comportements. Dans les années qui ont suivi, la mobilisation de la jeunesse, partout dans le monde, a traduit une inquiétude sur l’avenir, une volonté de changement et un poids politique en cours d’émergence. Dans nos sociétés occidentales, bien davantage que dans les pays en développement soumis à des impératifs économiques et énergétiques contraignants, une lente prise de conscience se fait jour. Est-elle assez rapide par rapport à la montée du niveau des mers, à l’intensité des événements extrêmes, à la fusion des glaces ? Les changements majeurs de comportement qu’implique la transition climatique ne s’obtiendront pas sans la prise de conscience de toute la population d’un pays ni sans celle des solidarités, tant dans l’espace avec le reste du monde que dans le temps avec les générations futures. Ainsi les connaissances scientifiques et technologiques ne peuvent désormais se passer d’une préoccupation éthique : sous des modalités à l’évidence distincte, l’école a la charge de répondre sur l’un et l’autre plan : pas plus que business as usual, school as usual n’est plus tenable.


Lors de la COP25 à Madrid fin 2019, la préoccupation éducative s’est manifestée plus qu’elle ne l’avait fait lors d’aucune des COP précédentes. Çà et là dans le monde, des initiatives sont prises pour qu’à l’école primaire, au collège, au lycée ou à l’université puisse s’installer un continuum de prise de conscience qui touche a minima ces deux grands sujets que sont le changement climatique et les atteintes à la biodiversité. L’exemple de la Californie est intéressant à méditer, il n’est pas le seul. Le point commun à ces initiatives est sans doute le souci de communiquer, au-delà des habituels cloisonnements disciplinaires, une vision systémique de la Terre, de ses enveloppes liquides, solides et gazeuses, de sa biosphère et de sa noosphère. Cette vision est difficile à communiquer rationnellement car elle est marquée de la complexité du système Terre, mais elle est néanmoins indispensable pour pouvoir comprendre l’évolution du système climatique, l’atténuation indispensable de ses causes ou l’adaptation à ses déjà inévitables conséquences. Comment la faire progresser depuis l’école primaire jusqu’au lycée et l’université ? Comment combiner les perspectives inquiétantes qu’elle offre aujourd’hui avec une espérance indispensable à tout jeune qui va entrer dans la vie adulte ? Comment donner à cette espérance un contenu concret, qui puisse venir à l’appui d’un projet professionnel et de l’acquisition d’une compétence ? Voici autant de questions que l’enseignement scientifique en classe de première et de terminale peut aborder de façon rationnelle d’une part, éthique de l’autre, en répondant à une véritable demande de la jeunesse.
Nous ne pourrons manquer de nous interroger sur les conditions concrètes de cet enseignement : la répartition des compétences des professeurs, l’occasion trop rare d’exercer en demi-classe, l’accompagnement sans doute nécessaire pour couvrir des questions qui, sous l’aspect systémique, interdisciplinaire et conceptuel au moins, sont assez radicalement nouvelles dans le cursus du lycée général.