Conceptions : mode ou outil ?

  ou comment utiliser les conceptions comme point de départ des TP ?

DES CONCEPTIONS …
Les conceptions sont des explications plus ou moins éloignées des connaissances scientifiques. On les retrouve à propos de tous les concepts. A titre d’exemple, citons :

  • à propos de la croissance : la croissance c’est naturel, elle se fait avec l’âge[donc pas besoin d’en chercher une explication], la croissance n’est qu’une augmentation de longueur [donc pas besoin de parler de matière] …) ;
  • à propos de la maladie : toute maladie est due à un microbe ;
  • à propos de la structure de la Terre : le manteau est un immense lac de lave (Dimitri ou Michel par exemple) …

Ce ne sont pas de simples erreurs car :

  • elles sont fonctionnelles : elles servent à décoder le monde qui nous entoure ;
  • elles sont confortées par notre environnement sensitif ou social ;
  • elles interviennent de façon cohérente : elles font appel à un raisonnement qui suit un principe d’économie ;
  • elles sont tenaces : les mêmes conceptions peuvent persister jusqu’à l’Université et même plus tard

 

…AUX OBSTACLES …

L’obstacle présente un caractère plus général et plus transversal que la représentation. Il est ce qui, en profondeur, l’explique et la stabilise. La photosynthèse, par exemple,  est vue comme une respiration à l’envers (représentation) ; pour l’élève, les gaz ne sont pas de la matière (obstacle) donc les plantes ne peuvent l’utiliser pour construire leur matière. De même, le CO2 rejeté lors de la respiration ne provient de la dégradation de molécules organiques. La représentation est donc la manifestation visible de l’obstacle.
Diverses représentations, qui portent sur des notions sans lien apparent, peuvent apparaître, à l’analyse, comme les points d’émergence d’un même obstacle. La difficulté de penser la matière comme constituée de molécules ou les organismes, de cellules, relève du même obstacle : considérer la matière comme discontinue. L’inverse peut également être vrai. Les représentations relatives à un même champ peuvent s’expliquer par la conjonction de plusieurs obstacles.

AUX NOEUDS D’OBSTACLES

Dans le cas de l’idée de maladie plusieurs obstacles interagissent :

  • raisonnement linéaire causal  :  une cause, un effet direct
  • conception pasteurienne de la maladie « tout est exclusivement dans le microbe » : l’organisme ne semble pas avoir de rôle propre : il n’est que le champ de bataille ( ce qui est accentué par le vocabulaire utilisé : les microbes attaquent, l’organisme se défend : première ligne de défense : peau et muqueuse, deuxième ligne : les phagocytes  … ) et tout devient microbe (même l’allèle morbide !)
  • survalorisation du rôle des anticorps qui ont souvent une fonction de destruction, quand ils ne sont pas confondus avec des cellules.

Ces explications fonctionnent très bien dans ce cadre. De nombreuses maladies sont dues à des microbes et les méthodes d’asepsie et d’antisepsie vont dans ce sens. Elles sont également confortées par ce que l’on dit à propos  de la transmission des maladies, de l’importance de certaines épidémies…
Mais elles empêchent de concevoir la maladie comme la conséquence d’autres facteurs : état général, interaction entre l’Homme et son environnement, stress qui induit une dépression du système immunitaire…

 

D’autres exemples en géologie :

  • le manteau est liquide,
  • la lave provient du noyau
  • la formation de la roche volcanique est une simple prise en masse
  • un volcan c’est naturel

Ces représentations reposent sur des obstacles plus profonds. Par exemple :

  • le terme utilisé  est lui-même une explication. Puisque le volcan est un « phénomène » naturel il n’a pas à être expliqué. On peut l’admirer mais on n’entre pas dans une réelle démarche scientifique. La  lave remonte parce que c’est un volcan.
  • prise en compte de la seule perception : la lave est chaude, la terre est chaude et ce qui est chaud est liquide ; la solidification de la lave ressemble au durcissement de la boue (la lave sèche).
  • problème d’échelle : mauvaise appréhension de l’épaisseur du manteau et donc des forces nécessaires à la traversée du manteau; une maquette de volcan ne résout rien puisque le conduit existe et qu’il « est fait pour ».